• EXECUTION DE LOUIS XVI

    EXECUTION DE LOUIS XVI

    TEMOIGNAGE D'UN BOURREAU

     
     

      Il est 10 heures. La pluie a cessé mais il règne un épais brouillard.
    L'air reste très frais. Les tambours se mettent à battre. Je frissonne de
    froid, d'impatience et de dégoût. Le cortège arrive sur la place de la
    Révolution par la rue de la Révolution. Le souverain déchu descend du carrosse accompagné de son confesseur. Il s'avance vers l'échafaud, lève la tête et considère un instant l'instrument de son supplice. Il a les mains libres. Il s'avance pour parler mais les roulements de tambours l'en empêchent. Mon père l'accueille. Louis CAPET ôte sa redingote
    brune et son foulard cravate. Nous pensons qu'il faut lui lier les mains
    car, involontairement, il peut entraver son supplice et le rendre
    plus douloureux. Je lui dis alors :

    - Il est nécessaire de vous lier les mains.

    Louis CAPET a un mouvement de répulsion :
    - Jamais ! s’écrie-t-il.
    - Mon père Charles-Henri SANSON s'approche et lui dit d'un ton très respectueux :
    - Avec un mouchoir, Sire.
    A l'entente du mot "Sire", il tressaille;
    - Et bien soit, encore cela, mon Dieu ! dit-il et il tend les mains.Je découpe grossièrement son col puis le rabat. Je constate que l'homme porte deux chemises. A mon regard surpris, celui-ci me confie :
    - C'est pour ne pas trembler de froid. Je ne voudrais pas que mon peuple pense que je tremble de peur"
    Puis je lui coupe les cheveux. Le condamné monte courageusement
    l'escalier. On nous crie de faire notre devoir, et pendant que nous
    lui mettons les sangles, il parvient à faire taire les tambours un instant
    et, se retournant ver le peuple, il s'écrie :
    - Peuple, je suis innocent !"
    Il se tourne vers nous et déclare :
    - Je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français…"

    Les tambours recouvrent à nouveau sa voix. La planche bascule, positionnant Louis à plat ventre. Je ferme la lunette. Le couperet tombe. Il est 10 heures 22. Mon collègue LEGROS présente la tête de Louis CAPET au peuple en dansant autour le la plateforme. La foule en délire crie :
    - Vive la Nation, vive la République !
    S'ensuit une danse macabre, dégoûtante, sur fond de chant révolutionnaire : le salut par le sang ! Un homme plonge ses mains dans le sang figé et asperge la foule de caillots. Certains s'en barbouillent le visage, d'autres le goûtent et semblent le savourer, l'un d'entre eux le trouve trop salé. Le peuple vient tremper piques et
    mouchoirs dans le sang royal. On emporte la dépouille de Louis
    CAPET tandis que nous autres, bourreaux, nettoyons les lieux.
    Fourbu et glacé, je rentre chez moi en passant par les petites rues qui, après la liesse collective, sont plongées dans un morne silence. Je me défends d'avoir des états d'âme. Ma mère m'a appris la résignation.
    Je ne peux échapper à mon sinistre destin : comme mon père, je deviendrai "maître exécuteur des hautes oeuvres de Paris".


    Yolande Dheilly

     


         
          La voix d’un lieu 
    Revue de l’atelier d’écriture de « Voisinlieu pour tous »
    http://www.voisinlieupourtous.net
    N°01 - Décembre 2011
    « Le meilleur des carnets de Jules HostouleyL'Europe!L'Europe!L'Europe! »

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