• Je me suis souvent demandé

    Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait si je n’avais pas été professeur d’anglais. Je crois que j’aurais suivi les traces de mon père, ce qu’il espérait, j’aurais fait une licence en droit et j’aurais repris son cabinet d’assurances. Cela m’aurait un peu pesé car je n’aurais pas aimé demeurer à Rethel. Quand j’y habitais, j’avais un peu l’impression d’étouffer. C’était une petite ville, une petite sous-préfecture bien morne avec un cinéma le Rex, deux programmes par semaine, deux foires par an, en mai et à la Sainte Catherine et une grande animation : les fêtes de Sainte Anne qui rythmaient la vie de la petite ville. Elles avaient lieu à la fin du mois de juillet et pendant quelques jours la ville résonnait du flonflon des manèges puis la ville retombait dans sa torpeur estivale. Je m’y ennuyais beaucoup, heureusement comme je lisais beaucoup, les livres et la presse m’apportaient un dérivatif et trompaient mon ennui. Pourtant je ne parviens pas à m’imaginer adulte à Rethel car je n’y ai vécu constamment qu’enfant et adolescent. Même quand j’ai commencé à exercer à Reims je ne rentrais à Rethel qu’en fin de semaine. A Reims la vie était beaucoup plus agréable et offrait plus de loisirs, on trouvait un grand choix de cinémas, une salle proposait même des films en version originale. Si je n’avais rien à faire, il y avait la Place d’Erlon, ses brasseries, ses vitrines et aussi le théâtre animé à cette époque par Robert Hossein qui dirigeait un atelier de théâtre. J’y ai vu « La maison de Bernarda » avec une jeune actrice Isabelle Adjani. Je me souviens avoir vu la version de « Pour qui sonne le glas » Hossein réalisait de grands spectacles dans la veine qu’il a poursuivie à Paris par la suite. Dans le même théâtre j’ai pu entendre des chanteurs tels que Nougaro, Jean Ferrat, Moustaki, Gilles Vigneault.

     

     

     

    Philippe Geiger

     


     
         
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    N°04 – Juin  2012

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  •  Rubrique : Faits divers
    Utilisateurs de trottinette : attention
    aux chiens

    Jeudi 24 novembre, vers neuf heures, face au bureau de poste de l’avenue d’Iéna à Paris, alors qu’elle descendait vers les jardins du Trocadéro en compagnie de sa maîtresse, Dauphine, un superbe dogue allemand femelle de trois ans, a été heurtée par un jeune homme à trottinette qui aurait voulu dépasser le couple au moment où la chienne faisait un léger écart. Le jeune homme a roulé par terre. C’est alors que l’animal se sentant agressé l’a saisi au collet et l’a occis. La police a établi les premières constatations et a saisi l’engin pour des investigations complémentaires. Compte tenu des accessoires trouvés dans le sac du jeune homme, il est permis de penser qu’il se rendait sur un court près de la porte d’Auteuil. Etait-il en retard ? Ceci pourrait expliquer la vitesse à laquelle il descendait l’avenue d’Iéna. Les services d’urgence de la clinique canine de la rue de Passy appelés sur place ont diagnostiqué une légère contusion des muscles de la patte arrière gauche mais recommande un suivi particulier de l’animal pendant quelques mois pour prévenir une éventuelle modification du caractère normalement paisible de l’animal qui a certainement été traumatisé par ce regrettable incident.
    La propriétaire de l’animal, Madame de Lavigne, a pu reprendre sa promenade matinale en compagnie de sa fidèle compagne. Elle n’envisage pas de porter plainte.


    Claude Aury

         
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    N°02 – Janvier 2012

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  • Un amour de chat : Conte de Noël
    Avant - l’année dernière encore - Bertille aimait décembre. A 80 ans, elle s’émerveillait comme aux temps de son enfance bretonne des premiers flocons, du doux soleil l’après-midi et des boutons de roses rescapés à l’abri de la grange. Maintenant que Julien était parti, le dernier mois de l’année lui était insupportable : trop doux pour la saison, trop froid pour sortir dans les magasins, trop bruyant quand ses amis du Club la réclamaient, trop débile quand la télé s’invitait dans sa maison pour lui rappeler comment consommer rituellement à cette époque, malgré sa solitude.
    Ah, quand il était encore près d’elle, même très souffrant, à Noël dernier, tout était possible. Bien sûr, elle était consciente que la trêve accordée par la maladie serait brève mais ils avaient vécu ce dernier 25 décembre tous les deux comme à leur habitude : dans la quiétude et l’affection. Elle pensa, avec une sorte de sourire heureux aux lèvres, qu’ils auraient dû s’endormir ensemble, ce jourlà, pour toujours. Le regard perdu sur la rocaille verdoyante, au fond du jardin, l’oreille bercée par Brassens – la seule musique qu’elle supportait - et sa « Brave
    Margot » elle se laissait gagner par les souvenirs de ce jour heureux quand son oeil fut attiré par une forme grise qui
    traversa la cour comme une flèche pour grimper lestement au grand conifère du jardin. Le gros chat angora gris était de
    retour. Il réapparut quelques secondes plus tard. Rien d’étonnant qu’il n’ait pas trouvé de moineau égaré, les  corbeaux de faction au sommet du noyer du voisin montaient la garde depuis le matin. Il n’avait pas dû trouver les restes de ses maigres repas qu’elle laissait chaque jour à disposition des chats errants du quartier qui aimaient bien l’adresse. Toujours à la recherche de sa pitance, le matou explora le rebord de la fenêtre de l’atelier : elle l’avait déjà vu, de nuit se dresser sur ses pattes de derrière et s’agripper comme un fauve à cet endroit. De jour, c’était la première fois. Il avait des proportions et une force peu communes. Elle s’approcha de la vitre en pensant qu’elle aurait mieux fait de rester au fond de son fauteuil car le seul visiteur de la journée allait bientôt s’évanouir. Contre toute attente, le chat contourna alors la véranda et se planta devant la porte d’entrée. Il n’eut pas besoin de gratter, comme dans la chanson, Bertille ouvrit la porte et se pencha pour le caresser. Il fit le tour de ses deux pieds en se frottant contre ses jambes et leva vers elle ses magnifiques yeux bleus clairs. Dans le frigo, elle trouva les restes de son filet de lieu-purée du midi qu’elle lui coupa en morceaux. Une petite jatte d’eau fraîche compléta le festin que le chat avalait maintenant, comme chez lui, sans lever le nez. Elle n’osait pas parler. Le disque était terminé, la fin d’après-midi s’annonçait dans la pénombre. Elle se souvint alors de cette merveilleuse robe grise que sa grand’mère lui avait cousue pour Noël à ses sept ans, pendant la guerre. Elle décida de l’appeler « Velours ».

     


    Chantal Gaultier

     
      
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  • L’édito de Lucas Hermse
      Salut à vous, chers lectrices et lecteurs. Nous étions tous en salle de réunion à l’issue d’un brainstorming qui nous avait laissé exténués. Marc suçotait des tic-tac en songeant à des cigarettes et Chantal des
    bâtons de réglisse en pensant à autre chose. Marc a lancé la bombe. Il m’a dit: “ C’est à toi d’écrire l’édito de ce numéro 2 de La Voix
    d’un Lieu”. J’ai senti la fierté m’envahir et la responsabilité peser sur mes épaules alors que la bûche de Noël me pesait sur l’estomac. Le
    numéro 2, c’est important. D’abord, ça démontre une certaine  pérennité (que de publications se sont arrêtées après un seul et unique numéro), et puis c’est le numéro de la confirmation; être à la hauteur voire s’élever au dessus des sommets déjà atteints dès le premier numéro… La pression quoi. Je me suis donc documenté pour que l’édito soit à la hauteur. J’ai compulsé divers périodiques représentatifs de la pensée française et essayé de m’en inspirer pour ma rédaction. Je me suis fait pousser les cheveux, les ai teints en gris et les ai  soigneusement peignés, ai enfilé un loden noir avec une écharpe crème, mis du tabac dans une pipe et ai déposé mon chat sur ma table de travail (avec ses croquettes sinon il se barre). Voilà, je suis prêt, mis en condition. Il ne me reste plus qu’à vous présenter nos voeux pour la nouvelle année. Nous vous souhaitons déjà d’arriver au bout, en pas trop mauvais état si possible et de pouvoir subvenir à vos besoins élémentaires. Nous vous souhaitons également d’avoir du temps
    pour jouer comme nous à noircir du papier avec notre jus de crâne. Ce n’est pas un loisir très onéreux (sauf si vous voulez avoir la même consommation de tic-tac que Marc, auquel cas, mieux vaut acheter l’usine) et ça fait un bien fou. Si ça vous tente, venez… Y’a une place delibre à côté de moi.

     

            
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  •    Loin d’Ibiza 

    Campagne picarde
    Loin d’Ibiza
    L’ennui farde
    De gris tes bas
    Je regarde
    Les nuages bas
    Qui lézardent
    Dans le froid
    Novembre bombarde
    D’éclairs droits
    La campagne picarde
    Sous l’eau, elle ploie
    C’est le film d’une thésarde
    En culture et cinéma
    Qui filme l’avant garde
    Des frimas
    Vois ce sang qui lézarde
    Au creux de mon bras
    Comme ce ruisseau qui musarde
    Entre les arbres las
    Il y a ce sang qui lézarde
    Au creux de mon bras
    Vois sa couleur blafarde
    On est loin d’Ibiza
    Sur la campagne picarde
    On entend quelquefois
    Les chants d’antiques bardes
    Sous lesquels les saules ploient


    Lucas Hermse

        
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  • EXECUTION DE LOUIS XVI

    TEMOIGNAGE D'UN BOURREAU

     
     

      Il est 10 heures. La pluie a cessé mais il règne un épais brouillard.
    L'air reste très frais. Les tambours se mettent à battre. Je frissonne de
    froid, d'impatience et de dégoût. Le cortège arrive sur la place de la
    Révolution par la rue de la Révolution. Le souverain déchu descend du carrosse accompagné de son confesseur. Il s'avance vers l'échafaud, lève la tête et considère un instant l'instrument de son supplice. Il a les mains libres. Il s'avance pour parler mais les roulements de tambours l'en empêchent. Mon père l'accueille. Louis CAPET ôte sa redingote
    brune et son foulard cravate. Nous pensons qu'il faut lui lier les mains
    car, involontairement, il peut entraver son supplice et le rendre
    plus douloureux. Je lui dis alors :

    - Il est nécessaire de vous lier les mains.

    Louis CAPET a un mouvement de répulsion :
    - Jamais ! s’écrie-t-il.
    - Mon père Charles-Henri SANSON s'approche et lui dit d'un ton très respectueux :
    - Avec un mouchoir, Sire.
    A l'entente du mot "Sire", il tressaille;
    - Et bien soit, encore cela, mon Dieu ! dit-il et il tend les mains.Je découpe grossièrement son col puis le rabat. Je constate que l'homme porte deux chemises. A mon regard surpris, celui-ci me confie :
    - C'est pour ne pas trembler de froid. Je ne voudrais pas que mon peuple pense que je tremble de peur"
    Puis je lui coupe les cheveux. Le condamné monte courageusement
    l'escalier. On nous crie de faire notre devoir, et pendant que nous
    lui mettons les sangles, il parvient à faire taire les tambours un instant
    et, se retournant ver le peuple, il s'écrie :
    - Peuple, je suis innocent !"
    Il se tourne vers nous et déclare :
    - Je suis innocent de tout ce dont on m'inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français…"

    Les tambours recouvrent à nouveau sa voix. La planche bascule, positionnant Louis à plat ventre. Je ferme la lunette. Le couperet tombe. Il est 10 heures 22. Mon collègue LEGROS présente la tête de Louis CAPET au peuple en dansant autour le la plateforme. La foule en délire crie :
    - Vive la Nation, vive la République !
    S'ensuit une danse macabre, dégoûtante, sur fond de chant révolutionnaire : le salut par le sang ! Un homme plonge ses mains dans le sang figé et asperge la foule de caillots. Certains s'en barbouillent le visage, d'autres le goûtent et semblent le savourer, l'un d'entre eux le trouve trop salé. Le peuple vient tremper piques et
    mouchoirs dans le sang royal. On emporte la dépouille de Louis
    CAPET tandis que nous autres, bourreaux, nettoyons les lieux.
    Fourbu et glacé, je rentre chez moi en passant par les petites rues qui, après la liesse collective, sont plongées dans un morne silence. Je me défends d'avoir des états d'âme. Ma mère m'a appris la résignation.
    Je ne peux échapper à mon sinistre destin : comme mon père, je deviendrai "maître exécuteur des hautes oeuvres de Paris".


    Yolande Dheilly

     


         
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  • EXECUTION DE LOUIS XVI

    TEMOIGNAGE D'UN BOURREAU

      Aujourd'hui est un jour solennel. J'ai le triste privilège d'assister
    mon père Charles-Henri SANSON, exécuteur des hautes oeuvres de
    Paris, pour la décapitation du ci-devant roi Louis XVI qui vient
    d'être condamné par la Convention pour conspiration contre la sûreté
    de l'État. Je suis Henri SANSON, son fils. J'ai vingt six ans. Je
    l'assiste pour la première fois. Dans la famille, nous sommes
    bourreaux de père en fils depuis quatre générations. Les gens
    n'aiment pas les bourreaux, ils font peur, c'est pourquoi leurs épouses
    sont elles aussi filles de bourreaux. Mon père a bien essayé de
    s'intéresser à autre chose, il a tenté avec succès des études de physique
    mais le sort en a décidé autrement. En tant qu'aîné d'une fratrie de dix
    enfants, il fut tout désigné pour remplacer mon grand-père Charles-
    Jean-Baptiste, décédé prématurément. Nous sommes le 21 janvier de l'an
    1793. Il est 6 heures du matin. La pluie persiste à battre sur Paris et a
    fait disparaître en partie la neige. J'avale une soupe brûlante et
    épaisse et je sors de mon logis discrètement pour me rendre à pied
    place de la Révolution. Je rencontre des patrouilles qui circulent
    lentement dans les rues. Dans tous les quartiers, on bat la générale.
    J'arrive sur la place ou déjà la foule se presse. Charles-Henri
    SANSON a pris la précaution de dépêcher suffisamment tôt les
    charpentiers pour dresser les bois de justice. Heureusement, la
    guillotine a été inaugurée l'an passé, le 25 avril 1792 exactement, lors
    de l'exécution d'un voleur de grand chemin : Nicolas Jacques
    PELLETIER, ce qui rendra moins barbare le supplice de Louis
    CAPET (auparavant, les nobles étaient décapités à la hache, les
    pauvres pendus ou roués vifs). L'échafaud, peint en rouge, se
    dresse à deux mètres de haut à l'entrée du jardin des Tuileries au
    milieu d'un espace vide entre les Champs Élysées et le socle de la
    statue déboulonnée de ci-devant Louis XV. Vingt mille gardes
    nationaux ont été mobilisés pour prévenir un éventuel coup de main
    royaliste et pour tenir le peuple au loin.


      Yolande Dheilly


      Â suivre
          
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  • En quête à Voisinlieu

     

      Le train s’arrêta en gare de Beauvais. Une foule de passagers se précipita vers la sortie. C’était pour la plupart des hommes et des femmes qui travaillaient à Paris. Ils faisaient le trajet deux fois par
    jour et cinq fois par semaine. C’est après eux que descendit un homme au teint gris et aux cheveux longs qui était vêtu d’une parka grise comme on en portait il y une vingtaine d’années. Au lieu de se hâter, il semblait soucieux de regarder tout ce qui l’entourait. 

    Il s’arrêta même devant la gare et alluma une cigarette. Il tombait une petite pluie et l’homme mit le capuchon de son vêtement et dirigea ses pas vers la ville. Il passa devant le Kiosque, regarda le menu et haussa les épaules puis poursuivit son chemin vers le centre. Toutefois, au lieu d’aller tout droit vers la gare routière il prit à gauche, franchit le passage à niveau, passa dans la rue du Faubourg Saint-Jacques où il s’arrêta au tabac pour acheter des cigarettes et poursuivit son chemin vers Voisinlieu, un quartier qu’il connaissait bien.

    Son regard fut attiré par la croix verte clignotante de la pharmacie.

    Il se souvenait qu’autrefois elle était dirigée par un potard qui s’appelait Michel Simon, comme l’acteur. Il passa encore devant un café d’où sortait une musique tonitruante, évita une voiture devant l’église Saint Jacques, fut dépassé par un bus au niveau de la poste et arriva au Café des Promeneurs. Il dépassa le café, pour voir s’il y avait du monde puis constatant la voie libre, entra et demanda au patron, s’il avait une chambre libre. L’homme, un moustachu, avec une cigarette au coin de la bouche lui donna le prix, encaissa le billet, rendit la monnaie et appela une jeune fille pour qu’elle lui indique la chambre. L’homme suivit la fille dans l’escalier, ça faisait longtemps qu’il n’avait pas monté un escalier derrière une femme. La fille ouvrit la porte alluma la lumière et s’éloigna en lui disant « Vous pouvez manger à partir de 7 heures. » Quand il referma la porte, il se rendit compte que pour la première fois depuis longtemps, c’était lui qui avait tourné la clé derrière lui. Il avait du temps pour lui, il posa son petit sac, prit le cendrier publicitaire jaune, le mit sur le couvre pied vieux rose, arracha le papier transparent qui enveloppait le paquet de cigarettes, se saisit d’une cigarette puis, se ravisant, reprit le cendrier, ouvrit la fenêtre et se mit à fumer à la fenêtre. Il était de retour. Il regarda le quartier de son enfance, à gauche la boulangerie où il allait chercher le pain pour sa vieille mère et même des bonbons, avant d’aller en classe, plus loin à droite, le gymnase où il faisait de la gymnastique à la Vaillante avec Jacquot. Derrière lui, il y avait l’école où il avait sué sur les problèmes de robinet, les trains qui se croisaient et l’accord du participe passé. Il revoyait le visage de Mr. Liquette. Tout cela était si loin. Plus tard, il repasserait devant la maison où il habitait avec sa mère. Puis demain sans doute, il pousserait jusqu’au cimetière sur la route de Paris. Jusqu’ici tout s’était déroulé comme il l’avait imaginé. Depuis six ans, il imaginait ce jour, il avait fait et refait le chemin dans sa tête et cela l’avait aidé à survivre, à supporter une situation qu’il jugeait injuste.
    Il regardait l’ancienne mairie et plus loin vers la droite les deux cafés « Le vieux tonneau » ou « Le dernier sou » il ne se rappelait plus très bien. Il n’avait pas beaucoup d’argent et il ouvrit le portefeuille qui ne contenait que quelques billets qui lui permettraient de tenir quelques jours en ne faisant pas de fantaisie. Il faudrait qu’il trouve du travail rapidement pour pouvoir subsister et lui permettre de démêler le fil de toute l’histoire qui le hantait depuis si longtemps. Dès demain, il tenterait sa chance il essaierait de trouver un emploi au RN 1 comme manutentionnaire ou chez Massey. Il y avait urgence. Pour le moment il avait faim, il entendit au loin les cloches de l’Angélus, il était plus de 7 heures. Il pouvait descendre pour manger. Il allait attendre un peu pour ne pas attirer l’attention. Ceci faisait aussi partie de son plan. Ne pas se faire remarquer. Il attendit un quart d’heure, ferma la porte et descendit l’escalier qui menait directement dans la salle à manger. Deux personnes étaient déjà placées, c’était un couple de jeunes qu’il salua. Il attendit quelques instants et demanda à être assis dans un coin, d’où il avait vue sur la salle de café. Deux habitués jouaient au 421 sur un coin du comptoir. Le moustachu derrière le zinc, parlait à un type qui gesticulait et menaçait de renverser son verre de rouge. La serveuse qui lui avait indiqué sa chambre lui servit le premier plat, c’était des crudités avec un demi oeuf mayonnaise, il avait même droit à une petite carafe de vin rouge. La porte s’ouvrit et trois types en combinaison de travail entrèrent en bavardant et allèrent s’assoir à une table. L’un des gars se dirigea vers le juke-box, glissa une pièce et la musique envahit l’espace. C’était une chanson à la mode et l’un des gars tapa dans ses mains pour marquer le rythme. Il avait fini son entrée, la serveuse apporta prestement le second plat. C’était une tomate farcie avec du riz. Il commençait à manger quand la porte du café s’ouvrit encore en apportant un courant d’air froid. Il leva la tête de son assiette et regarda les deux hommes qui venaient de faire irruption. Celui qui lui tournait le dos, il le connaissait. C’était pour lui qu’il était revenu à Beauvais, à Voisinlieu dans ce « Café des Promeneurs » Mais il était important de ne pas être vu. Il déclina l’offre d’un dessert et regagna rapidement sa chambre. Son coeur battait à tout rompre et même la cigarette qu’il fuma rapidement ne parvint pas à le calmer.


    Philippe Geiger

    à suivre

     
         
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  • Chasseur

     D’instinct, il se mit à courir en zigzag. La peur le poussait à
    sauter les sillons. Le jeu était inégal. Respectueux des
    techniques de battue, les ennemis s’étaient alignés au cordeau, pour le débusquer et lui barrer la route. Fuir lui fut fatal, le roncier qu’il tentait de rejoindre était hors de portée. Le coup partit du fusil le plus proche. Il eut les oreilles fracassées par le bruit avant de souffrir, le corps transpercé par les plombs. Quelques secondes pour que le clan des forts jubile, se congratule ; pour que le jagdterrier servile, sur l’appel de son maître, aille chercher

    sa proie et la rapporte dans sa gueule, triomphant.
    La terre ne garda de lui que quelques traces de ses sauts désespérés que le vent d’automne se chargea d’aplanir. Le chasseur, fier d’avoir tué son premier garenne de l’année, félicita son broussailleur toujours prompt à obéir et le groupe poursuivit son chemin, après cette prise de bon augure. Il n’en
    fallait pas plus à cette troupe aguerrie, fière de pratiquer ce loisir ancestral

    dans les plaines fertiles qui faisaient sa richesse, sous le chaud soleil de septembre. Jeanne avait tout vu. Ses jumelles qu’elle prenait toujours quand qu’elle partait à cheval dans la campagne picarde lui avaient restitué chaque instant de cette mise à mort. Elle n’aurait voulu conserver de sa promenade que les verts paysages des vallons du Pays de Bray. Le regard embué, elle caressa le cou de sa jument qu’elle ramenait au haras et lui promit : « Je le vengerai ce pauvre lapin comme ses semblables. Le fils du maire a perdu toutes ses chances avec moi s’il reste chasseur !»


    Chantal Gaultier

     
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  • Automne
     

      Les feuilles ne tombent pas encore
    Mais les arbres changent d’habits
    Le feuillage est multicolore
    Les glands tombent dans la forêt.
    A pied,
    Attention à ne pas déraper
    Sous les feuilles de noisetiers.
    Sous un fort soleil
    Je m’émerveille.
    Je me dis : « Tiens
    C’est l’été indien »


    Chantal Priolet


     
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  •  Entrefilet

     Entre-axes, entrebâillement, entrecôte, entrejambe, entremets, entresol, entre-temps…
    interlude, comme à la télé en noir et blanc, interligne, intervalle…
    la liste n’est pas close pour préciser l’entre-deux !
    Pour mieux connaître un entre-axes, un pied à coulisse est parfois nécessaire mais totalement inutile pour l’entrecôte ou l’entresol.

    Celle là se déguste à la bordelaise accompagnée d’un rouge bien charpenté de préférence. Pour l’entremets, vous pourrez préférer un coteau du Layon ou un entre-deux mers.
    L’intervalle posait jadis problème aux élèves quand ils devaient en donner le nombre en ne connaissant que celui des repères qui les délimitaient.
    Aujourd’hui, ce sont surtout les personnes qui créent un espace, entre nom et prénom dans leur adresse électronique, lequel est obligatoirement comblé par un point ou un tiret, qui préoccupent certains adeptes de l’entre quelque chose.
    Si bayer n’était réservé pour ni voir ni entendre les corneilles, bayer l’entrebâillement permet-trait d’entrevoir ce que la porte
    entr’ouverte cache.
    Lire entre les lignes pour faire connaissance avec l’auteur, n’est-ce pas fouillez l’interligne ou brasser le vide là où n’existe que l’entrerien ?


    Claude Aury

     


     
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  •   L’édito de Marc Méret

     A Mers-les-Bains quand Denis Dormoy m’a proposé de prendre en charge l’atelier d’écriture qu’il animait à Voisinlieu, je n’ai pas répondu immédiatement. Je n’avais jamais réalisé ce genre d’animation bien qu’y ayant participé à plusieurs reprises en tantqu’auteur invité.
    J’ai fait comme d’habitude dans ce cas (c'est-à-dire quand je suis bien emm…bêté) j’ai pris mon bloc et noté tout ce que pourrait faire un groupe de personnes pour peu qu’elles soient
    motivées et aient envie de s’exprimer par écrit. J’ai eu tôt fait de remplir une page.
    C’était bon, je pouvais le faire. Voici quelques exemples de ce que je leur ai proposé :
    - D’abord explorer quelques méthodes simples pour répertorier
      et planifier l’écriture d’un texte quel qu’il soit.
    - Description de personnages,
    - de paysages.
    - Ecrire un texte historique,
    - la lettre d’amour qu’on aurait aimé recevoir.
    - Rédiger des dialogues,
    - un reportage.
    - Ecrire un polar – chacun son épisode à tour de rôle.
    - Visiter toutes les formes de poésie...
    La liste est longue avec ce dernier projet :
    - Publier un petit journal contenant les meilleurs travaux des
    participants. Cela a eu l’air de leur plaire mais il fallut trouver un titre. Trois ont été proposé : « La Malle à Drerie » « Le Démarqué » et « La Voix d’un Lieu » C’est ce dernier qui a été retenu. Donc longue vie à « La Voix d’un Lieu » et bon courage aux rédacteurs.
    C’est le N° 1 que voici que voilà…


     

     

     
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