Andrew Fisher n'habite pas Springfield, c'est-à-dire nulle part. Il vient du comté de Sonoma, en Californie. Grand Américain bien en moyens, il s'est fait construire une cabane de rêve
accrochée à deux séquoias, ces titans ligneux. Il l'a décorée lui-même en utilisant deux portes importées d'Asie, quelques vitraux colorés, des tissus chatoyants et même une tapisserie de
Lurex, scintillante à la lumière des bougies. Andrew Fisher est l'heureux propriétaire d'un petit château suspendu, d'ailleurs choisi pour illustrer la couverture d'un beau livre
entièrement consacré à ces fabuleux logis.
Un monde de cabanes, de Pete Nelson, présente plus de 35 modèles réels nichés aux États-Unis, en Chine, en Australie ou en Europe. L'ouvrage explique la conception et la construction de
chacun des minipalais de bois, croquis et reportage photographique de Radek Kurzaj à l'appui.
L'idée de s'installer plus près des étoiles ne date évidemment pas d'hier. Les Korowai de Papouasie-Nouvelle-Guinée vivent depuis toujours dans des maisons longues à la cime de leur forêt.
Les cabanes de ce mystérieux peuple des arbres, «découvert» il y a deux décennies seulement, protègent d'agressions guerrières des voisins comme des pluies diluviennes.
Les Occidentaux en fabriquent aussi depuis très, très longtemps. Allouville, dans le pays de Caux, en France, possède l'un des plus vieux chênes d'Europe, estimé à treize cents ans d'âge,
où ont été aménagées, l'une sur l'autre, deux chapelles-cabanes. La combinaison sacrée, occupant en partie le tronc évidé, se déploie sur 18 mètres de hauteur. Le monument, unique au monde,
remontant au XVIIe siècle, a échappé aux destructions pendant la Révolution parce que le bedeau y avait apposé une plaque présentant l'arbre de Dieu comme un «temple de la raison». Sa
dernière restauration date d'une quinzaine d'années. Le vieux chêne, verdoyant de vie, murmure encore et toujours à qui veut l'entendre.
Grandes idées, petites structures
Un monde de cabanes cite ces exemples, mais traite surtout de constructions plus banales, séculières, profanes, ordinaires même, d'autant plus capables de faire rêver qu'elles demeurent à
la portée de tous, ou presque. Une très belle cabane bien construite, tout équipée, pouvant servir durant les quatre saisons, coûte quelque dizaines de milliers de dollars, soit à peu près
rien par rapport à une vraie de vraie maison de campagne.
Le renouveau cabanier s'expliquerait en partie par l'invention en 1994 d'un dispositif baptisé GL (pour Garnier limb, ou branche de Garnier, du nom de son idéateur). Il s'agit d'une pièce
tournée cylindrique vissée dans le tronc, capable de supporter le poids d'un camion. L'ingénieux et sécuritaire dispositif permet de construire des structures de plus en plus grandes, de
plus en plus lourdes, de mieux en mieux équipées, de véritables maisons dans les arbres, quoi.
Le recours aux forêts
Évidemment, il y a cabane et cabane dans les arbres. Symbole de misère pour beaucoup, abri occasionnel pour certains (les bergers notamment), elle concentre aussi les fantasmes de
ressourcement paisible de quelques happy few.
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