Etre réveillée par le soleil qui traverse les rideaux. Par la faim aussi un peu. Après avoir passé tout un week-end à manger et picoler, c'est un comble. Tu as des souvenirs de la fête : se promener sur les falaises, aider un anglais à retrouver l'aiguille d'Etretat, manger des moules au camembert sur la jetée, discuter avec des amis que tu n'avais pas vu depuis des années parfois, tenter de rattraper le temps perdu, se déplacer jusqu'au feu d'artifice sans lâcher ton verre de punch, profiter du goût du rhum pendant les explosions, danser devant le garage où tu faisais tes boums jusqu'à ce que tous aillent se coucher, les traiter de chochotes, aller tourner Mr Poilu qui embête tout le monde à ronfler si fort... Le regarder, il est imperturbable, ni le soleil ni le bruit ne le réveilleront ce matin. Pour une fois, il ne ronfle pas. Comme d'habitude, il s'est étalé et prend toute la place. Ses longs cils lui donnent un air un peu enfantin qui contraste avec sa barbe que tu aimes et qui devra disparaitre dans quelques jours. Tu enfiles un cycliste, un t-shirt et tu fixes l'ipod. Tu fais un bisou à Mr Poilu, il gromelle. Tu descend. Tu discutes un peu avec ta mère. Vous prenez un thé. Tu sors. Il fait déjà trop chaud. Le chat te boude, tu ne reviens pas assez souvent. Tu mets le casque sur tes oreilles. Courir. Sentir les muscles et les articulations dérouiller. Avoir chaud, très chaud, sous ce soleil de plomb à seulement 9 heures du matin. Traverser le village dans lequel tu as tant de souvenirs. Les nouvelles oeuvres d'art sont très bien près de la rivière. Tiens, les X. ont installé une serre. "Relevez la tête, regardez loin devant vous". Oui, oui, concentre toi. Entendre sonner l'église alors que LadyGaga braille dans les écouteurs. Respirer, lentement. Les enfants jouent dans la cour de l'école. Quand est-ce que ça finit l'école déjà? Ca semble si loin, quand vous alliez manger sur le terrain de la fête du village le lendemain alors que tout se rangeait. Plusieurs années défilent dans ta tête. Des visages, des sourires. Les odeurs de nourriture et de friture. La nostalgie. La chaleur te ramène à ajourd'hui. Tu aimerais arracher le tuyau d'arrosage des mains de celui qui arrose des salades pour t'en faire une douche. Cette maison normande te rappelle celle dont tu rêvais depuis toujours et sur laquelle tu as fait une croix pour le moment. Les boiseries, le torchis, le puits, les fleurs... "Déroulez bien votre pied". Tu te reconcentres mais les moutons te perturbent à nouveau. Qu'est ce qu'ils doivent avoir chaud! Tu longes la rivière. Elle s'élargit et la cressonnière apparait, enfin ce qu'il en reste. Quand tu partais en bus au collège, tu la regardais tous les matins en passant. Tout avait toujours l'air contrôlé. Aujourd'hui, les colverts profitent que le courant soit moins fort qu'ailleurs pour s'y reposer. Les herbes aquatiques sauvages ont envahi l'espace entre les restes des murets. Leurs hauteurs sont inégales. Tu crois voir des poissons. Les impératifs de rentabilité ont eu raison de la cressonnière. Tu fais demi-tour. Physiquement tu n'as plus si mal que ça. Le retour est facile. Et pourtant tu te sens tellement vieille d'un coup. |