Mardi 08 Juin 2010
La dégradation des conditions de travail, selon les syndicats de La Poste, a véritablement progressé il y a 18 mois.Sont mises en cause différentes réorganisations liées à l'ouverture à la concurrence qui interviendra le 1er janvier 2012. Maladies professionnelles, postiers à bout... La lettre du syndicat des médecins de La Poste a levé le voile sur les conditions de travail dans l'entreprise publique. Son signataire est le médecin référent du département de la Somme. Le feu aux poudres. La lettre du syndicat professionnel des médecins de prévention de La Poste, publiée la semaine dernière, dénonce des conditions de travail déplorables au sein de l'entreprise. Les médecins y évoquent des suicides et des tentatives qui « surviennent dans toutes les régions, dans tous les métiers et aux différents niveaux de l'entreprise », un taux d'absentéisme « sans précédent », des maladies professionnelles « en très forte augmentation ». « La Poste crée des " inaptes " physiques et psychologiques », conclut la lettre. Un malaise qui a pris forme vendredi dans un bureau de poste d'Amiens. Un geste que les syndicats qualifient de tentative de suicide. La Poste, elle, parle « d'incident regrettable qui tient de la sphère privée ». Le signataire du document, le secrétaire général du syndicat, le docteur Jean-Pierre Kaufmant, est le médecin de prévention de La Poste dans la Somme. Un postier, qui a souhaité rester anonyme, souligne le courage de ce médecin. « Énormément de postiers sont d'accords avec cette lettre. Ce médecin a du courage de parler. Il se met à la place du patient, on a envie de l'aider. » Les femmes sont davantage touchées Une autre employée de La Poste a décidé de parler. Elle travaille dans la Somme depuis 15 ans. Cela fait deux mois qu'elle est arrêtée pour dépression nerveuse et suivie par un psychologue. « Avec les réorganisations, on fait de plus en plus d'heures supplémentaires. En tout, j'ai fait 33 heures de dépassement qui n'ont pas été payées. Il faut faire de la productivité gratuite. » Jusqu'ici, elle travaillait uniquement le matin mais cette année, ça a changé. « Pour remplir mes objectifs, je dois travailler trois heures de plus l'après-midi. Je fais le boulot de deux personnes. Au début, ça va mais après on en peut plus. » Une surcharge de travail qui la conduit vers ce qu'elle qualifie « une souffrance au travail ». Elle est tombée malade et a dû s'arrêter de travailler. « Je n'avais jamais pris une journée de congés en 15 ans. Mais, je ne mourrai pas pour La Poste, elle n'en vaut pas la peine. Je n'ai pas envie de reprendre le travail. Ça ne m'intéresse plus. Heureusement qu'il y a la clientèle, c'est notre bouffée d'oxygène. » Cette situation, les syndicats s'en font l'écho depuis longtemps. Mais la dégradation des conditions de travail a véritablement progressé il y a 18 mois. En cause, les différentes réorganisations qui doivent permettre à l'entreprise de se préparer à l'ouverture à la concurrence, le 1er janvier 2011. Avec ces changements d'organisation, les signes inquiétants se sont multipliés selon Francis Dignoir, délégué syndical FO dans la Somme. « Beaucoup de gens se tournent vers nous. Des employés qui font des tentatives de suicide ou qui sont proches du passage à l'acte. C'est alarmant. » Selon lui, la Picardie serait même en avance sur les réorganisations, ce que dément La Poste. Il a également constaté que les femmes étaient les premières affectées par ces réorganisations. « L'entreprise s'est fortement féminisée ces dernières années. Elles sont donc plus nombreuses que les hommes à craquer. Cet hiver, avec la neige, le verglas, on a relevé beaucoup de chutes et d'importants retards sur les tournées, qu'il a fallu rattraper. » De son côté, Joël Dannet, secrétaire général CFDT à Beauvais, s'inquiète du parallèle avec France Telecom. « On comprend que le trafic change et que l'entreprise doive évoluer mais les réorganisations vont trop vite, il n'y a pas de reconnaissance de l'humain. Il faut faire quelque chose avant de vivre la même chose qu'à France Telecom. » ADELINE COLLET
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